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Désir, Création & Conscience

 

Muriel TRANIER ALAUX

Extrait de "rencontre du 3ème âge"

 - De la naissance au développement de la conscience de soi

Naître dans un corps de chair c’est vivre une expérience hors norme, une expérience de souffrance absolue. Sortir de l’enveloppe matricielle protectrice pour vivre la pénétration de l’air dans ses poumons est indescriptible, et pour cause, les mots ne sont pas là pour le dire !!!

Le premier cri résonne alors comme un aveu insensé, laissant la trace d’une peur incommensurable et d’une promesse à accomplir, celle de retrouver un jour, en un autre lieu, cette absolue douceur protectrice engrangée dans notre mémoire primordiale.

 

Ainsi commence l’épopée de l’être qui n’aura d’autre choix que de constituer sa propre mémoire afin de devenir, peut être un jour, conscient de cet écartèlement entre la peur et l’amour matriciel, et d’en trouver sa propre voie de résilience.

 

De l’habillage émotionnel constitué par les babillages à l’apprentissage des mots pour se dire - de l’exploration de son corps à la maturité physique – de la castration psychique interdisant le retour fusionnel d’avec la matrice jusqu’à l’interrogation de sa propre individualité – de la vie qui court, parfois fuit, souvent s’interroge jusqu’à vouloir nous déloger de nos zones de confort, de nos voies de garage – de la vie qui s’agenouille enfin jusqu’au lit de notre mort, nous cherchons pourtant sans cesse à combler ce manque originel.

 

Ce manque est un processus.

 

Ce processus engendre le désir.

 

Le désir engendre la création…

 

La création engendrera  « l’avoir » et « l’être ».

 

L’erreur nécessaire est de croire que l’autre comblera le manque. Et cette erreur est nécessaire car le processus participe à la construction de l’identité par un impressionnant jeu de miroirs. Nous avons besoin d’un miroir pour contempler notre image, à l’égal nous avons besoin de l’autre pour nous révéler à nous même.

 

 - Vision holistique des interactions

Ainsi nait l’identité, cette identité qui semble nous contenir, que nous allons chercher à conserver coûte que coûte, avec son cortège de frustrations, de défenses névrotiques.

Perdre son identité c’est perdre à nouveau ce contenant primordial, le schéma de ce corps que l’on croit être nous.

 

Cette identité est une mémoire qui ne peut se définir comme une zone de stockage figée.

Cette mémoire est holographique[1], elle s’actualise avec le point de vue de celui qui l’interroge.

 

Sans cette possibilité aucune thérapie n’aurait d’efficacité.

 

Le procédé qui permet à cette mémoire d’être réactualisée est un va et vient constant entre l’interrogation de soi et de son vécu. L’être se construit ainsi en comparaison, grâce à un point de référence, qu’il s’agisse de l’autre, d’un souvenir, d’un contexte… 

Ainsi nous ne percevons pas le fait tel qu’il est, mais déjà à travers notre vécu qui forme notre identité, et donc notre « mémoire constituée », un peu comme si nous étions  la somme de nos instants jugés.

C’est lorsque nous accordons un crédit « émotionnel » à ce que dit l’autre, que ce soit positif (plaisir) ou négatif (déplaisir) que les choses peuvent se déplacer, évoluer, se renforcer ou être dépassées. En effet ce « crédit émotionnel » nous permet de nous « ressentir », de nous confronter à notre « cuirasse » qui est notre contenant à l’instant « T ».

 

Dans la vision holographique de la mémoire, ce qui me semble intéressant est la partie de réactualisation que les thérapeutes connaissent bien. L’autre ou le thérapeute joue alors le rayon « pur » qui va permettre au souvenir de se réactualiser en modifiant le point de vue figée de la personne. Ce point de vue figé, cristallisé jusqu’à devenir souffrance ou engranger dans la vie une situation répétitive gênante, est révélé par un symptôme.

Le symptôme est crée par la personne pour combler le manque originel. Le manque ne peut être comblé. Supprimer le symptôme avéré revient à le déplacer.

 

De nombreuses offres thérapeutiques proposent cette plongée dans le passé afin d’en re contextualiser le vécu grâce à sa dissociation de l’instant présent. 

 

C’est d’ailleurs le cas d’un des aspects de la musicothérapie qui ramenant la personne au contexte culturel, sonore et émotif d’un instant vécu passé grâce à une musique, amène le souvenir à se réactualiser dans un contexte thérapeutique. Dans ce cadre, le souvenir s’archive différemment dans la mémoire en allégeant et sa charge émotive et son aspect réactif inconscient.

 

On retrouve ce phénomène dans les écoutes musicales en groupe[2]. Le groupe contient l’individu et l’étaye, notamment quand cet individu écoute une musique signifiante pour lui, évoquant un contexte particulier.  Il peut partager dans l’instant présent une émotion sans même la dire, sans être tenu de se sentir jugé par lui même ; les circonstances du re vécu ont changé, le cadre a changé, la personne peut changer.

 

Ainsi la musique joue le rôle d’un fil d’Ariane qui conduit à la mémoire d’un individu, à une mémoire complète unifiant les sensations du corps aux émotions, les perceptions à l’esprit, quelque chose d’holistique où le sens n’est pas encore tranché, presque flou, chaotique parfois. On sent que quelque chose peut surgir mais on ne sait pas quoi, c’est sur le bout de la langue avant de devenir une émergence. Une sorte « d’ampoule allumée sur la tête » révélant la conscience d’un soi-même différent.

 

C’est la puissance du non verbal.

 

C’est la fulgurance de l’intuition.

 

Ainsi se révèle la créativité.

 

La création, l’émergence, la résolution surgissent. Ils viennent au moment où l’on ne s’y attend pas, bien justement parce qu’on ne s’y attend pas – parce que l’esprit, celui qui juge est vacant. Une partie de nous n’est plus dans le contrôle, et dans ce que l’on appelle communément aujourd’hui le « lâcher prise ».

 

C’est le domaine de l’artistique pur, du vide mystique, le moment ou une émotion vous submerge et vous pouvez enfin la laisser être ; ce n’est pas vous, tout au moins la définition que l’on se donne, c’est juste une forme d’énergie qui fait que vous pouvez vous sentir vivant.

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 - Se sentir "être"

Il me semble important de spécifier ce qu’on entend par énergie. Pour la physique : « l’énergie est la capacité d’un système à produire un travail entraînant un mouvement ou produisant par exemple de la lumière, de la chaleur, ou de l’électricité ».

Étymologiquement le mot français vient du latin « energia » qui lui même vient du grec signifiant « force en action ».

Dans le langage courant le terme d’énergie est utilisé subjectivement pour qualifier l’espace vibratoire en interaction entre soi et le monde - un état d’être que l’on ressent en présence d’un lieu, d’une personne Etc., ou bien pour évaluer une sensation physique, une capacité, un état d’être.

 

Comprendre ce qui nous habite en terme vibratoire et force en mouvement nous ouvre à l’univers complexe des émotions.

Ainsi, ne peut on pas voir les émotions comme diverses échelles de valeurs permettant d’auto qualifier notre état d’énergie, notre capacité à faire face à nous même dans un contexte. Et au delà de ça, la capacité qu’a notre Conscience (conscience – inconscient – subconscient) à mémoriser qualitativement des situations pour pouvoir traiter en temps réel tous les aspects de notre quotidien.

Le rôle des émotions dans l’adaptation au monde est primordial car elles façonnent notre vécu. Sans elles nous ne pourrions apprendre à devenir sage, ce qui me semble être le pendant indispensable de l’intelligence.

Elles sont le lien nécessaire entre le corps et l’esprit.

Elles nous éduquent à nous même.

Les ornières de la psyché sont des liens erronés entre les émotions et l’esprit. Une adaptation au monde devenu obsolète.​

Et la musique est le langage privilégié de nos émotions. Elles l’habillent de couleurs et elle, leur donne une forme, un sens.

 

La musique est la danse d’un langage dont la mémoire ne peut se défaire.

 

Le langage est l'autre donnée de cette mémoire, il lui donne un contenant particulier, un tiroir dans lequel nous pouvons ranger nos vécus – Une bibliothèque grâce à laquelle nous pouvons nous interroger.

 

Perdre le langage c’est perdre ce qui fait référence à quelque chose dans notre vie.

 

Ce langage qui nous dit, qui symbolise ce qui nous semble être, bien qu’incomplet dans sa forme binaire, informative, est malgré tout le contenant de nos désirs, la portée des notes émotionnelles de nos vies et finalement le titre de l’œuvre de nous même : la résonance intime de notre nom.

 

 

[1] La vision holographique du cerveau est amenée par le neurophysiologiste Karl Pribam dans les années 60. Il voit dans le fonctionnement d’un hologramme une métaphore du mode de répartition des souvenirs dans le cerveau.  L’idée est que chaque partie contient de quoi reconstruire un souvenir dans son intégralité.

Les neurosciences quant à elles mettent en évidence les différences zones du cerveau à l’action lors de procédure de mémorisation, physique, recherche d’information … Peut être faut il voir ainsi le cerveau comme un grand coordonnateur d’informations stockées … Quelque part …

 

[2] Cf. atelier « Voyage en musique »

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